Claude Simon – Nobel Lecture

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Conference Nobel le 9 décembre 1985


Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,

Sur les sentiments que peut éprouver un lauréat distingué par l’Académie Suédoise, l’un de mes « confrères Nobel », comme nous appelle le docteur André Lwoff dans une lettre qu’il a eu la gentillesse de m’adresser, s’est on ne peut mieux expliqué :

« La recherche étant un jeu, écrivait-il dans son remerciement, il importe peu, en théorie tout au moins, que l’on gagne ou que l’on perde. Mais les savants » (et je dirai aussi les écrivains), « les savants, donc, possèdent certains traits des enfants. Comme eux ils aiment gagner et comme eux ils aiment être récompensés »; à quoi André Lwoff ajoutait : « Au fond de lui-même, tout savant » (tout écrivain, dirai-je encore) « désire être reconnu ».

Et, si j’essaie d’analyser les composantes multiples de cette satisfaction par certains côtés puérile, je dirais que s’y mêle une certaine fierté qu’au-delà de ma personne l’attention se trouve ainsi attirée sur le pays qui pour le meilleur et pour le pire est le mien et où il n’est pas mauvais que l’on sache que, malgré ce pire, existe comme une obstinée protestation, dénigrée, moquée, parfois même hypocritement persécutée, une certaine vie de l’esprit, qui, en soi, sans autre but ni raison que d’être, fait encore de ce pays un des lieux où survivent, indifférentes à l’inertie ou parfois même à l’hostilité des divers pouvoirs, quelques-unes des valeurs les plus menacées d’aujourd’hui.

Je voudrais ensuite, en m’adressant aux membres de votre Académie, leur dire que, si je me tourne vers eux pour qu’ils sachent combien je suis sensible au choix qu’ils ont fait et les en remercier, ce n’est pas seulement pour sacrifier à un rite ou me soumettre à un simple usage de courtoisie.

Ce n’est pas par hasard en effet, me semble-t-il, si cette institution siège et délibère en Suède, et plus précisément à Stockholm, c’est-à-dire à peu près au centre géographique ou, si l’on préfère, au carrefour des quatre nations qui constituent cette Scandinavie si petite par le nombre de ses habitants mais, par sa culture, ses traditions, sa civilité, son appétit de savoir et ses lois, si grande qu’elle en vient à constituer en bordure du monde de fer et de violence où nous vivons comme une sorte d’îlot privilégié et exemplaire.

Ce n’est ainsi pas un hasard si les traductions en norvégien, en suédois et en danois de mon dernier ouvrage, Les Géorgiques, ont été les premières à paraître, et ce n’est pas encore par hasard si sur les rayons de la librairie-papeterie d’un petit hameau perdu au milieu des forêts et des lacs on pouvait déjà l’hiver dernier en trouver une autre traduction, cette fois en langue finnoise, tandis que (pour ne parler que de l’un des deux monstrueux géants qui nous écrasent de leur pesanteur), tandis qu’à l’annonce de l’attribution de ce dernier Nobel, le New York Times interrogeait en vain les critiques américains et que les médias de mon pays couraient fébrilement à la recherche de renseignements sur cet auteur pratiquement inconnu, la presse à grande diffusion publiant, à défaut d’analyses critiques de mes ouvrages, les nouvelles les plus fantaisistes sur mes activités d’écrivain ou ma vie — quand ce n’a pas été pour déplorer votre décision comme une catastrophe nationale pour la France.

Bien sûr, je ne suis ni assez présomptueux ni tout de même assez sot pour ne pas savoir que dans les domaines de l’art ou de la littérature tout choix est contestable et, dans une certaine mesure, arbitraire, et je suis le premier à penser qu’ici et là dans le monde et en France, tout aussi bien que moi et peut-être plus encore, plusieurs autres écrivains à l’égard desquels j’éprouve le plus grand respect eussent pu être désignés.

Si j’ai évoqué les étonnements parfois scandalisés dont la grande presse s’est fait l’écho (parfois même effrayés : un hebdomadaire français à grand tirage a posé la question de savoir si le K. G. B. soviétique n’avait pas noyauté votre Académie!), je ne voudrais pas que l’on puisse penser que je l’ai fait dans un esprit mesquin de moquerie ou de triomphe facile, mais parce que ces protestations, cette indignation, cet effroi même, ont été formulés dans des termes qui illustrent on ne peut mieux les problèmes qui dans le domaine de la littérature et de l’art opposent les forces conservatrices à ces autres que je n’appellerai pas « de progrès » (ce mot n’a, en art, aucun sens) mais de mouvement, mettant bien en lumière ce divorce de plus en plus prononcé et dont on a tant parlé entre l’art vivant et le grand public peureusement entretenu dans un état d’arriération par les puissances de tout ordre dont la plus grande terreur est celle du changement.

Laissons de côté les griefs qui m’ont été faits d’être un auteur « difficile », « ennuyeux », « illisible » ou « confus » en rappelant simplement que les mêmes reproches ont été formulés à l’égard de tout artiste dérangeant un tant soit peu les habitudes acquises et l’ordre établi, et admirons que les petits-enfants de ceux qui ne voyaient dans les peintures impressionnistes que d’informes (c’est-à-dire d’illisibles) barbouillages stationnent maintenant en interminables files d’attente pour aller « admirer » (?) dans les expositions ou les musées les œuvres de ces mêmes barbouilleurs.

Laissons aussi de côté l’insinuation selon laquelle certains agents d’une police politique pourraient siéger parmi vous et vous dicter votre choix, quoique, au passage, il ne soit pas sans intérêt de remarquer qu’aujourd’hui encore, dans certains milieux, l’Union soviétique reste le symbole de redoutables forces de déstabilisation auxquelles il est ma foi flatteur pour un simple écrivain de se voir associé, car enfin on a tellement, ici et là, dénoncé l’égoïste et vaine gratuité de ce que l’on appelle « l’art pour l’art » que ce n’est pas pour moi une mince récompense de voir mes écrits, qui n’avaient d’autre ambition que de se hisser à ce niveau, rangés parmi les instruments d’une action révolutionnaire et déstabilisatrice.

Ce qui me paraît plus intéressant de prendre en compte et mériter, je crois, qu’on s’y arrête, ce sont d’autres jugements formulés à l’encontre de mon œuvre qui, par leur nature et le vocabulaire dont ils usent, mettent en lumière non pas un malentendu qui pourrait exister entre les tenants d’une certaine tradition et ce que j’appellerai la littérature vivante, mais ce qui apparaît comme un véritable retournement (ou, si l’on préfère, inversion) de situation, car chacun des termes employés dans un sens péjoratif l’est, en fait, très judicieusement, avec cette différence qu’au contraire des intentions du critique il se trouve avoir à mes yeux une valeur positive.

Je reviendrai sur le reproche fait à mes romans de n’avoir « ni commencement ni fin », ce qui, en un sens, est tout à fait exact, mais tout de suite je me plais à retenir deux adjectifs considérés comme infamants, naturellement ou, pourrait-on dire, corollairement associés, et qui montrent bien d’emblée où se trouve le problème : ce sont ceux qui dénoncent dans mes ouvrages le produit d’un travail « laborieux », et donc forcément « artificiel ».

Le dictionnaire donne de ce dernier mot la définition suivante : « Fait avec art », et encore : « Qui est le produit de l’activité humaine et non celui de la nature », définition si pertinente que l’on pourrait s’en contenter si, paradoxalement, les connotations qui s’y rapportent, communément chargées d’un sens péjoratif, ne se révélaient à l’examen elles aussi des plus instructives — car si, comme l’ajoute le dictionnaire, « artificiel » se dit aussi de quelque chose de « factice, fabriqué, faux, imité, inventé, postiche », il vient tout de suite à l’esprit que l’art, invention par excellence, factice aussi (du latin facere, « faire ») et donc fabriqué (mot auquel il conviendrait de restituer toute sa noblesse), est par excellence imitation (ce qui postule bien évidemment le faux). Mais il serait encore nécessaire de préciser la nature de cette imitation, car l’art s’autogénère pour ainsi dire par imitation de lui-même : de même que ce n’est pas le désir de reproduire la nature qui fait le peintre mais la fascination du musée, de même c’est le désir d’écrire suscité par la fascination de la chose écrite qui fait l’écrivain, la nature se bornant pour sa part, comme le disait spirituellement Oscar Wilde, à « imiter l’art »…

Et c’est bien un langage d’artisans que, durant des siècles, avant, pendant et après la Renaissance, tiennent les plus grands écrivains ou musiciens, parfois traités comme des domestiques, œuvrant sur commande et parlant de leurs travaux (je pense à Jean-Sébastien Bach, à Nicolas Poussin …) comme d’ouvrages très laborieusement et très consciencieusement exécutés. Comment donc expliquer qu’aujourd’hui pour une certaine critique, les notions de labeur, de travail, soient tombées dans un tel discrédit que dire d’un écrivain qu’il éprouve de la difficulté à écrire leur semble le comble de la raillerie? Peut-être n’est-il pas mauvais de s’attarder sur ce problème, qui débouche sur des horizons beaucoup plus vastes que de simples mouvements d’humeur.

« Une valeur d’usage ou un article quelconque », écrit Marx dans le premier chapitre du Capital, « n’a une valeur quelconque qu’autant que le travail humain est matérialisé en lui. » Tel est en effet le départ laborieux de toute valeur. Quoique je ne sois ni philosophe ni sociologue, il me semble troublant de constater que c’est au cours du XIXe siècle, parallèlement au développement du machinisme et d’une féroce industrialisation, qu’on assiste, en même temps qu’à la montée d’une certaine mauvaise conscience, à la dévaluation de cette notion de travail (ce travail de transformation si mal rémunéré) : l’écrivain est alors dépossédé du bénéfice de ses efforts au profit de ce que certains ont appelé l’« inspiration » qui fait de lui un simple intermédiaire, le porte-parole dont se servirait on ne sait quelle puissance surnaturelle, de sorte qu’autrefois domestique appointé ou consciencieux artisan, l’écrivain voit maintenant sa personne tout simplement niée : il n’est tout au plus qu’un copiste, ou le traducteur d’un livre déjà écrit quelque part, une sorte de machine à décoder et à délivrer en clair des messages qui lui sont dictés depuis un mystérieux au-delà.

On voit la stratégie, à la fois élitiste et annihilante : honoré dans ce rôle de Pythie ivre ou d’oracle pour n’être précisément rien, l’écrivain appartient cependant à une caste d’élus au nombre desquels nul ne peut espérer être admis par son mérite ou son travail. Bien au contraire, celui-ci, comme autrefois pour les membres de la noblesse, est considéré comme infamant, dégradant. Le terme qui sera employé pour juger d’une œuvre sera tout naturellement un terme religieux, la « grâce », cette grâce que, chacun le sait, aucune vertu, aucune ascèse même ne permettent d’acquérir.

Dépositaire ou détenteur privilégié par l’effet de cette grâce d’un savoir (« Qu’avez-vous à dire ?» demandait Sartre — en d’autres termes : « Quel savoir possédez-vous ?»), dépositaire donc avant même d’écrire d’une connaissance refusée au commun des mortels, l’écrivain se voit assigner la mission de les en instruire, et le roman va tout naturellement prendre la forme imagée sous laquelle est délivré l’enseignement religieux, celle de la parabole, de la fable. Si la personne de l’écrivain est abolie (il doit « s’effacer » derrière ses personnages), son travail l’est aussi, ainsi que le produit de celui-ci, l’écriture elle-même : « Le meilleur des styles est celui qui ne se remarque pas », a-t-on coutume d’écrire, en rappelant la célèbre formule qui veut qu’un roman ne soit qu’ « un miroir promené le long d’un chemin » : une surface plane, unie, sans aspérités, sans rien d’autre, derrière une mince plaque de métal poli, que ces images virtuelles qu’il renvoie indifféremment les unes après les autres, objectivement — en d’autres termes : « le monde comme si je n’étais pas là pour le dire », selon la formule de Baudelaire définissant ainsi ironiquement le « réalisme ».

« En décernant le Nobel à Claude Simon, a-t-on voulu confirmer le bruit que le roman était définitivement mort ?», demande un critique. Il ne semble pas s’être encore aperçu que, si par « roman » il entend le modèle littéraire qui s’est épanoui au cours du XIXe siècle, celui-ci est en effet bien mort, en dépit du fait que dans les bibliothèques de gares ou ailleurs on continue, et on continuera encore longtemps, à vendre et à acheter par milliers d’aimables ou de terrifiants récits d’aventures à conclusions optimistes ou désespérées, et aux titres annonceurs de vérités révélées comme par exemple La condition humaine, L’espoir ou Les chemins de la liberté

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Ce qui me paraît plus intéressant, c’est de constater que, si au début de notre siècle ces deux géants que furent Proust et Joyce ont ouvert de tout autres voies, ils n’ont fait que sanctionner une lente évolution au cours de laquelle le roman dit réaliste s’est lui-même, lentement, donné la mort.

« J’essayais », a écrit Marcel Proust, « de trouver la beauté là où je ne m’étais jamais figuré qu’elle fût : dans les choses les plus usuelles, dans la vie profonde des natures mortes. » Et de son côté, dans un article publié à Leningrad en 1927 et intitulé « De l’évolution littéraire », l’essayiste russe Tynianov écrivait : « En gros, les description de la nature dans les romans anciens, que l’on serait tenté, du point de vue d’un certain système littéraire, de réduire à un rôle auxiliaire de soudure ou de ralentissement (et donc de rejeter presque), devraient, du point de vue d’un autre système littéraire, être considérés comme un élément principal, parce qu’il peut arriver que la fable ne soit que motivation, prétexte à accumuler des descriptions statiques ». Ce texte, qui à certains égards apparaît comme prophétique, appelle, me semble-t-il, en certain nombre de remarques.

Tout d’abord, notons que, selon le dictionnaire, la première acception du mot « fable » est la suivante : « Petit récit d’où l’on tire une moralité. » Une objection vient aussitôt à l’esprit : c’est qu’en fait le véritable processus de fabrication de la fable se déroule exactement à l’inverse de ce schéma et qu’au contraire c’est le récit qui est tiré de la moralité. Pour le fabuliste, il y a d’abord une moralité — « La raison du plus fort est toujours la meilleure », ou « Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute » — et ensuite seulement l’histoire qu’il imagine a titre de démonstration imagée, pour illustrer la maxime, le précepte ou la thèse que l’auteur cherche par ce moyen à rendre plus frappants.

C’est cette tradition qui, en France, à travers les fabliaux du Moyen Age, les fabulistes et la comédie dite de mœurs ou de caractère du XVIIe siècle, puis le conte philosophique du XVIIIe, a abouti au roman prétendument « réaliste » du XIXe aspirant à une vertu didactique : « Vous et quelques belles âmes, belles comme la vôtre », écrivait Balzac, « comprendront ma pensée en lisant La maison Nucingen accolée à César Birotteau. Dans ce contraste, n’y a-t-il pas tout un enseignement social ?»

Hardiment novateur à son époque (ce qu’oublient ses epigones attardés qui, un siècle et demi plus tard, le proposent en exemple), soutenu par un certain « emportement de l’écriture » et une certaine démesure qui le haussaient au-delà de ses intentions, le roman balzacien a ensuite dégénéré pour donner naissance à des œuvres qui n’en ont retenu que l’esprit purement démonstratif.

Et bien sûr, dans une telle optique, toute description apparaît non seulement superflue mais, comme le souligne Tynianov, importune, puisqu’elle vient se greffer de façon parasitaire sur l’action, interrompt son cours, ne fait que retarder le moment où le lecteur va enfin découvrir le sens de l’histoire : « Lorsque dans un roman j’arrive à une description, je saute la page », disait Henri de Montherlant, et, dans le Second manifeste du surréalisme, André Breton (que tout pourtant opposait à Montherlant), déclarant qu’il mourait d’ennui à la description de la chambre de Raskolnikov, s’exclamait avec fureur : « De quel droit l’auteur nous refile-t-il ses cartes postales ?» …

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Types sociaux ou psychiques « en situation », simplifiés jusqu’à la caricature (du moins dans une certaine tradition française : « Harpagon n’est qu’avare », remarquait Strindberg dans sa préface à Mademoiselle Julie. « Il aurait en même temps pu être un excellent édile, un excellent père de famille ou tout autre chose; non, il n’est qu’avare !»), les personnages du roman traditionnel sont entraînés dans une suite d’aventures, de réactions en chaîne se succédant par un prétendu implacable mécanisme de causes et d’effets qui peu à peu les conduit à ce dénouement qu’on a appelé le « couronnement logique du roman », démontrant le bien-fondé de la thèse soutenue par l’auteur et exprimant ce que son lecteur doit penser des hommes, des femmes, de la société ou de l’Histoire …

L’ennui, c’est que ces événements soi-disant déterminés et déterminants ne dépendent que du bon vouloir de celui qui les raconte et au gré duquel tels ou tels personnages se rencontrent (ou se manquent), s’aiment (ou se détestent), meurent (ou survivent), et que si ces événements sont bien entendu possibles, ils pourraient tout aussi bien ne pas se produire. Comme le souligne Conrad dans sa préface au Nègre du Narcisse, l’auteur fait appel à notre seule crédulité, car, pour ce qui concerne la « logique » des caractères comme celle des situations, on pourrait en discuter sans fin : tandis qu’Henri Martineau, éminent stendhalien, nous assure que Julien Sorel est prédestiné dès le début du roman Le rouge et le noir à tirer le fatal coup de pistolet sur Madame de Rénal, Emile Faguet, lui, trouve ce dénouement « plus faux qu’il n’est permis »…

Sans doute est-ce là l’une des raisons du phénomène paradoxal qui fait que, dans le même temps qu’il naît, le roman réaliste commence déjà à travailler à sa propre destruction. Tout semble en effet se passer comme si, prenant conscience de la faitblesse du procédé auquel ils ont recours pour faire passer leur message didactique (procédé reposant tout entier sur un principe de causalité), ces auteurs avaient confusément ressenti le besoin, pour rendre leurs fables plus convaincantes, de leur donner une épaisseur matérielle. Jusque-là, dans le roman ou le conte philosophique, que ce soit La princesse de Clèves, Candide, Les liaisons dangereuses, ou même La nouvelle Héloïse écrite par cet amoureux de la nature qu’était Rousseau, la description est pour ainsi dire inexistante et n’apparaît que sous forme d’invariables stéréotypes : toutes les jolies femmes y ont invariablement un teint « de lys et de rosé », elles sont « faites au tour », les vieilles sont « hideuses », les ombrages « frais », les déserts « affreux », et ainsi de suite … Avec Balzac (et c’est là peut-être que réside son génie), on voit apparaître de longues et minutieuses descriptions de lieux ou de personnages, descriptions qui au cours du siècle se feront non seulement de plus en plus nombreuses mais, au lieu d’être confinées au commencement du récit ou à l’apparition des personnages, vont se fractionner, se mêler à doses plus ou moins massives au récit de l’action, au point qu’à la fin elles vont jouer le rôle d’une sorte de cheval de Troie et expulser tout simplement la fable à laquelle elles étaient censées donner corps : si la fin tragique de Julien Sorel sur l’échafaud, celle d’Emma Bovary empoisonnée à l’arsenic ou celle d’Anna Karénine se jetant sous un train peuvent apparaître comme le couronnement logique de leurs aventures et en faire ressortir une morale, aucune, en revanche, ne peut être tirée de celle d’Albertine que Proust fait disparaître (on pourrait être tenté de dire : « dont il se débarrasse ») par un banal accident de cheval …

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Il y aurait, me semble-t-il, un intéressant parallèle à tracer entre l’évolution qui s’est produite dans le roman au cours du XIXe siècle et celle de la peinture, commencée beaucoup plus tôt : « La fin (le but) de l’art chrétien », écrit Ernest Gombrich, « consiste à donner au personnage sacré et surtout à l’Histoire sainte une place convaincante et émouvante aux yeux du spectateur ». Conçu au départ, chez les Byzantins, comme un instrument d’édification et employé à des fins didactiques, « l’événement y est raconté à l’aide de hiéroglyphes clairs et simples qui le feront comprendre plutôt que voir ». Un arbre, une montagne, un ruisseau, des rochers sont indiqués par des « signes » pictographiques. « Cependant, peu à peu, une exigence nouvelle se fait sentir, qui est celle de faire en sorte que le spectateur devienne pour ainsi dire le témoin de l’événement (…) qui est censé être l’object de sa méditation », et on assiste ainsi progressivement à l’avènement du naturalisme, dont Giotto est l’un des premiers artisans, l’évolution poursuivant son cours jusqu’à ce que nous dise Gombrich, « le paysage naturaliste des arrière-plans, conçu jusque-là selon les conceptions de l’art médiéval illustrant des proverbes et inculquant des leçons morales, ce paysage qui remplissait les endroits dépourvus de personnages et d’actions (…), dévore pour ainsi dire au XVIe siècle les premiers plans, jusqu’à ce que le but soit atteint avec des spécialistes comme Joachim Patinir, si bien que ce que le peintre crée tire sa pertinence, non plus de quelque association avec un sujet important, mais du fait qu’il reflète, comme la musique, l’harmonie même de l’univers. ».

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Ainsi, à la suite d’une lente évolution, la fonction du peintre s’est trouvée en quelque sort inversée et le savoir ou, si l’on préfère, le sens, est passé d’un côté à l’autre de son action, la précédant dans un premier temps, la suscitant, pour, à la fin, résulter de cette action elle-même, qui va non plus exprimer du sens mais en produire.

Et de même en a-t-il été de la littérature, si bien qu’il semble aujourd’hui légitime de revendiquer pour le roman (ou d’exiger de lui) une crédibilité, plus fiable que celle, toujours discutable, qu’on peut attribuer à une fiction, une crédibilité qui soit conférée au texte par la pertinence des rapports entre ses éléments, dont l’ordonnance, la succession et l’agencement ne relèveront plus d’une causalité extérieure au fait littéraire, comme la causalité d’ordre psychosocial qui est la règle dans le roman traditionnel dit réaliste, mais d’une causalité intérieure, en ce sens que tel événement, décrit et non plus rapporté suivra ou précédera tel autre en raison de leurs seules qualités propres.

Si je ne peux accorder crédit à ce deus ex machina qui fait trop opportunément se rencontrer ou se manquer les personnages d’un récit, en revanche il m’apparaît tout à fait crédible, parce que dans l’ordre sensible des choses, que Proust soit soudain transporté de la cour de l’hôtel des Guermantes sur le parvis de Saint-Marc à Venise par la sensation de deux pavés inégaux sous son pied, crédible aussi que Molly Bloom soit entraînée dans des rêveries érotiques par l’évocation des fruits juteux qu’elle se propose d’acheter le lendemain au marché, crédible encore que le malheureux Benjy de Faulkner hurle de souffrance lorsqu’il entend les joueurs de golf crier le mot « caddie », et tout cela parce qu’entre ces choses, ces réminiscences, ces sensations, existe une évidente communauté de qualités, autrement dit une certaine harmonie qui, dans ces exemples, est le fait d’associations, d’assonances, mais peut aussi résulter, comme en peinture ou en musique, de contrastes, d’oppositions ou de dissonances.

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Et dès lors on commence à entrevoir une réponse aux fameuses questions : « Pourquoi écrivez-vous? Qu’avez-vous à dire? »

« Si (…) l’on m’interroge », écrivait Paul Valéry, « si l’on s’inquiète (comme il arrive, et parfois assez vivement) de ce que j’ai voulu dire (…), je réponds que je n’ai pas voulu dire mais voulu faire et que c’est cette intention de faire qui a voulu ce que j’ai dit. » Réponse dont je pourrais reprendre les termes point par point : si l’éventail des motivations de l’écrivain est largement ouvert, le besoin d’être reconnu dont parle André Lwoff n’est peut-être pas la plus futile, car elle nécessite d’abord d’être reconnu par soi-même, ce qui implique un « faire » (je fais — je produis —, donc je suis), qu’il s’agisse de construire un pont, un navire, de « faire » venir une récolte ou de composer un quatuor. Et, si l’on se cantonne au domaine de l’écriture, faut-il rappeler que « faire » se dit en grec Text in Greek, qui est à l’origine du mol poème, sur la nature duquel il faudrait encore s’interroger peut-être, car, si l’on s’accorde à concéder quelque liberté à ce qu’il est convenu d’appeler en langage populaire le poète, au nom de quoi le prosateur se la verrait-il refuser, et assigner au contraire la seule mission de conteur d’apologues, au mépris de toute autre considération sur la nature de ce langage dont il est censé se servir comme d’un simple véhicule? N’est-ce pas là oublier que, comme l’a dit Mallarmé, « chaque fois qu’il y a effort au style, il y a versification », oublier la question que pose Flaubert dans une lettre à George Sand : « Comment se fait-il qu’il y ait un rapport nécessaire entre le mot juste et le mot musical ?»

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Je suis maintenant un vieil homme, et, comme beaucoup d’habitants de notre vieille Europe, la première partie de ma vie a été assez mouvementée : j’ai été témoin d’une révolution, j’ai fait la guerre dans des conditions particulièrement meurtrières (j’appartenais à l’un de ces régiments que les états-majors sacrifient froidement à l’avance et dont, en huit jours, il n’est pratiquement rien resté), j’ai été fait prisonnier, j’ai connu la faim, le travail physique jusqu’à l’épuisement, je me suis évadé, j’ai été gravement malade, plusieurs fois au bord de la mort, violente ou naturelle, j’ai côtoyé les gens les plus divers, aussi bien des prêtres que des incendiaires d’églises, de paisibles bourgeois que des anarchistes, des philosophes que des illettrés, j’ai partagé mon pain avec des truands, enfin j’ai voyagé un peu partout dans le monde … et cependant, je n’ai jamais encore, à soixante-douze ans, découvert aucun sens à tout cela, si ce n’est comme l’a dit, je crois, Barthes après Shakespeare, que « si le monde signifie quelque chose, c’est qu’il ne signifie rien » — sauf qu’il est.

Comme on voit, je n’ai rien à dire, au sens sartrien de cette expression. D’ailleurs, si m’avait été révélée quelque vérité importante dans l’ordre du social, de l’histoire ou du sacré, il m’eût semblé pour le moins burlesque d’avoir recours pour l’exposer à une fiction inventée au lieu d’un traité raisonné de philosophie, de sociologie ou de théologie.

Que « faire », donc, pour reprendre le mot de Valéry qui, immédiatement, amène à la question suivante : faire avec quoi?

Eh bien, lorsque je me trouve devant ma page blanche, je suis confronté à deux choses : d’une part le trouble magma d’émotions, de souvenirs, d’images qui se trouve en moi, d’autre part la langue, les mots que je vais chercher pour le dire, la syntaxe par laquelle ils vont être ordonnés et au sein de laquelle ils vont en quelque sorte se cristalliser.

Et, tout de suite, un premier constat : c’est que l’on n’écrit (ou ne décrit) jamais quelque chose qui s’est passé avant le travail d’écrire, mais bien ce qui se produit (et cela dans tous les sens du terme) au cours de ce travail, au présent de celui-ci, et résulte, non pas du conflit entre le très vague projet initial et la langue, mais au contraire d’une symbiose entre les deux qui fait, du moins chez moi, que le résultat est infiniment plus riche que l’intention.

Ce phénomène du présent de l’écriture, Stendhal, en fait l’expérience lorsqu’il entreprend, dans La vie d’Henry Brulard, de raconter son passage du col du Grand-Saint-Bernard avec l’armée d’Italie. Alors qu’il s’efforce d’en faire le récit le plus véridique, dit-il, il se rend soudain compte qu’il est peut-être en train de décrire une gravure représentant cet événement, gravure qu’il a vue depuis et qui, écrit-il, « a pris (en lui) la place de la réalité ». S’il avait poussé plus loin sa réflexion, il se serait rendu compte — car il est facile d’imaginer le nombre de choses représentées sur cette gravure : canons, chariots, soldats, chevaux, glaciers, rochers, etc., dont la seule énumération aurait rempli plusieurs pages, alors que le récit de Stendhal en occupe tout juste une —, il se serait rendu compte, donc, qu’il ne décrivait même pas cette gravure mais une image qui se formait alors en lui et qui prenait encore la place de la gravure qu’il se figurait décrire.

Plus ou moins consciemment, par suite des imperfections de sa perception puis de sa mémoire, l’écrivain sélectionne subjectivement, choisit, élimine, mais aussi valorise entre cent ou mille quelques éléments d’un spectacle : nous sommes fort loin du miroir impartial promené le long d’un chemin auquel prétendait ce même Stendhal …

Et s’il s’est produit une cassure, un changement radical dans l’histoire de l’art, c’est lorsque des peintres, bientôt suivis par des écrivains, ont cessé de prétendre représenter le monde visible mais seulement les impressions qu’ils en recevaient.

« Un homme en bonne santé », écrit Tolstoï, « pense couramment, sent et se remémore un nombre incalculable de choses à la fois. » Cette remarque est à rapprocher de ces phrases de Flaubert, à propos d’Emma Bovary : « Tout ce qu’il y avait en elle de réminiscences, d’images, de combinaisons s’échappait à la fois, d’un seul coup, comme les mille pièces d’un feu d’artifice. Elle aperçut nettement et par tableaux détachés son père, Léon, le cabinet de L’heureux, leur chambre là-bas, un autre paysage, des figures inconnues. »

Si Flaubert parle ainsi d’une femme malade, en proie à une sorte de délire, Tolstoï, lui, va plus loin et généralise quand il dit : « un homme en bonne santé ». Ils sont d’accord pour constater que toutes ces réminiscences, toutes ces émotions et toutes ces pensées se présentent à la fois, d’un seul coup, mais Flaubert précise pour sa part qu’il s’agit là de « tableaux détachés » en d’autres termes de fragments, et que l’aspect sous lequel ils se présentent à nous est celui de « combinaisons ». On voit désormais par où pèche la timide proposition de Tynianov qui, s’il jugeait dépassé le roman de type traditionnel, ne parvenait à concevoir pour l’avenir qu’un roman où la fable serait seulement le prétexte à une « accumulation » de descriptions « statiques ».

Car c’est bien la que réside l’un des paradoxes de l’écriture : la description de ce que l’on pourrait appeler un « paysage intérieur » apparemment statique, et dont la principale caractéristique est que rien n’y est proche ni lointain, se révèle être elle-même non pas statique mais au contraire dynamique : forcé par la configuration linéaire de la langue d’énumérer les unes après les autres les composantes de ce paysage (ce qui déjà procéder à un choix préférentiel, à une valorisation subjective de certaines d’entre elles par rapport aux autres), l’écrivain, dès qu’il commence à tracer un mot sur papier, touche aussitôt à un prodigieux ensemble, ce prodigieux réseau de rapports établis dans et par cette langue qui, comme on l’a dit, « parle déjà avant nous » au moyen de ce que l’on appelle ses « figures », autrement dit les tropes, les métonymies et les métaphores dont aucune n’est l’effet du hasard mais tout au contraire partie constitutive de la connaissance du monde et des choses peu à peu acquises par l’homme.

Et si, suivant Chlovski, on s’accorde à définir le « fait littéraire » comme « le transfert d’un objet de sa perception habituelle dans la sphère d’une nouvelle perception », comment l’écrivain chercherait-il à déceler les mécanismes qui font s’associer en lui ce « nombre incalculable » de « tableaux » apparemment « détachés » qui le constitue en tant qu’être sensible, sinon dans cette langue qui le constitue en tant qu’être pensant et parlant et au sein de laquelle, dans sa sagesse et sa logique, nous sont déjà proposés d’innombrables transferts ou transports de sens? Les mots, selon Lacan, ne sont pas seulement « signes » mais nœuds de significations ou encore, comme je l’ai écrit dans ma courte préface à Orion aveugle, carrefours de sens, de sorte que déjà par son seul vocabulaire la langue offre la possibilité de « combinaisons » en « nombre incalculable », grâce à quoi cette « aventure d’un récit » dans laquelle s’engage à ses risques et périls l’écrivain paraît finalement plus fiable que ces récits plus ou moins arbitraires que nous propose le roman naturaliste avec une assurance d’autant plus impérieuse qu’il sait la fragilité et la très discutable valeur de ses moyens.

Non plus démontrer, donc, mais montrer, non plus reproduire mais produire, non plus exprimer mais découvrir. De même que la peinture, le roman ne se propose plus de tirer sa pertinence de quelque association avec un sujet important, mais du fait qu’il s’efforce de refléter, comme la musique, une certaine harmonie. Posant la question : « Qu’est-ce que le ‘réalisme’ ? », Roman Jakobson observe que l’on a coutume déjuger du réalisme d’un roman non pas en se référant à la « réalité » elle-même (un même objet a mille aspects) mais à un genre littéraire qui s’est développé au siècle dernier. C’est oublier que les personnages de ces récits n’ont d’autre réalité que celle de l’écriture qui les instaure : comment donc cette écriture pourrait-elle « s’effacer » derrière un récit et des événements qui n’existent que par elle? En fait, de même que la peinture lorsqu’elle prenait pour prétexte telle scène biblique, mythologique ou historique (qui peut sérieusement croire à la « réalité » de telle Crucifixion, de telle Suzanne au bain ou de tel Enlèvement des Sabines?), ce que l’écriture nous raconte, même chez le plus naturaliste des romanciers, c’est sa propre aventure et ses propres sortilèges. Si cette aventure est nulle, si ces sortilèges ne jouent pas, alors un roman, quelles que puissent être, par ailleurs, ses prétentions didactiques ou morales, est nul lui aussi.

* * *

On parle volontiers ici et là, et avec autorité, de la fonction et des devoirs de l’écrivain. On a même pu déclarer, il y a quelques années, non sans démagogie, par une formule qui porte en elle-même sa propre contradiction, que, « en face de la mort d’un petit enfant au Biafra, aucun livre ne fait le poids ». Si justement, à la différence de celle d’un petit singe, cette mort est un unsupportable scandale, c’est parce que cet enfant est un petit d’homme c’est-à-dire un être doué d’un esprit, d’une conscience, même embryonnaire, susceptible plus tard, s’il survivait, de penser et de parler de sa souffrance, de lire celle des autres, d’en être à son tour ému et, avec un peu de chance, de l’écrire.

A la fin du siècle des Lumières et avant que ne se forge le mythe du « réalisme », Novalis énonçait avec une étonnante lucidité cet apparent paradoxe qu’« il en va du langage comme des formules mathématiques : elles constituent un monde en soi, pour elles seules; elles jouent entre elles exclusivement, n’expriment rien sinon leur propre nature merveilleuse, ce qui justement fait qu’elles sont si expressives que justement en elles se reflète le jeu étrange des rapports entre les choses ».

C’est à la recherche de ce jeu que l’on pourrait peut-être concevoir un engagement de l’écriture qui, chaque fois qu’elle change un tant soit peu le rapport que par son langage l’homme entretient avec le monde, contribue dans sa modeste mesure à changer celui-ci. Le chemin suivi sera alors, on s’en doute, bien différent de celui du romancier qui, à partir d’un « commencement », arrive à une « fin ». Cet autre, frayé à grand-peine par un explorateur dans une contrée inconnue (s’égarant, revenant, sur ses pas, guidé, — ou trompé — par la ressemblance de certains lieux pourtant différents ou, au contraire, les différents aspects du même lieu), cet autre se recoupe fréquemment, repasse par des carrefours déjà traversés, et il peut même arriver (c’est le plus logique) qu’à la fin de cette investigation dans le présent des images et des émotions dont aucune n’est plus loin ni plus près que l’autre (car les mots possèdent ce prodigieux pouvoir de rapprocher et de confronter ce qui, sans eux, resterait épars dans le temps des horloges et l’espace mesurable), il peut arriver que l’on soit ramené à la base de départ, seulement plus riche d’avoir indiqué quelques directions, jeté quelques passerelles pour être peut-être parvenu, par l’approfondissement acharné du particulier et sans prétendre avoir tout dit, à ce « fonds commun » où chacun pourra reconnaître un peu — ou beaucoup — de lui-même.

Aussi ne peut-il y avoir d’autre terme que l’épuisement du voyageur explorant ce paysage inépuisable, contemplant la carte approximative qu’il en a dressée et à demi rassuré seulement d’avoir obéi de son mieux dans sa marche à certains élans, certaines pulsions. Rien n’est sûr ni n’offre d’autres garanties que celles dont Flaubert parle après Novalis : une harmonie, une musique. A sa recherche, l’écrivain progresse laborieusement, tâtonne en aveugle, s’engage dans des impasses, s’embourbe, repart — et, si l’on veut à tout prix tirer un enseignement de sa démarche, on dira que nous avançons toujours sur des sables mouvants.

Merci de votre attention.

From Les Prix Nobel. The Nobel Prizes 1985, Editor Wilhelm Odelberg, [Nobel Foundation], Stockholm, 1986


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To cite this section
MLA style: Claude Simon – Nobel Lecture. NobelPrize.org. Nobel Prize Outreach AB 2024. Wed. 25 Dec 2024. <https://www.nobelprize.org/prizes/literature/1985/simon/25233-claude-simon-nobel-lecture-1985/>

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