Louis Néel’s speech at the Nobel Banquet in Stockholm, December 10, 1970 (in French)

Sire, Altesses Royales, Mesdames, Messieurs,

Je suis heureux d’avoir ici l’occasion de remercier l’Académie Royale des Sciences de Suède pour la distinction qui ma été accordée et qui, par mon intermédiaire, honore la Physique française et en particulier l’Ecole française de Magnétisme : Pierre Curie qui le premier fit un classement précis des substances magnétiques, Paul Langevin auquel on doit la théorie du para et du diamagnétisme, Pierre Weiss et sa théorie du ferromagnétisme.

Seules restaient incomprises les propriétés de la plus ancienne des substances magnétiques connues : la magnétite ou pierre d’aimant qui attiré l’attention des curieux depuis quatre mille ans. J’ai eu la chance de combler cette lacune et d’expliquer ces propriétés, avec la notion de ferromagnétisme.

Mais j’avais été précédé dans cette voie, au XIIème siècle, par Pierre de Maricourt, auteur en 1269 du premier traité sérieux sur les aimants. Après avoir lu son œuvre, on peut faire trois remarques.

D’abord qu’en matière scientifique, on a souvent des prédécesseurs beaucoup plus anciens qu’on ne le pense a priori.

En second lieu que la liaison Université-Industrie dont on parle becaucoup aujourd’hui est en réalité très ancienne puisque la lettre de Pierre de Maricourt se préoccupait principalement des applications du magnétisme aux boussoles et aux compas de marine, pour la navigation.

En dernier lieu, je remarquerai que Pierre de Maricourt se faisait appeler aussi Peter Peregrinus ou Pierre le Pélerin, ce qui pouvait faire allusion à une croisade en terre sainte, mais ce qui me rappelle aussi qu’au Moyen Age les savants étaient de grands voyageurs et passaient facilement d’une université européenne à une autre.

Puisse l’exemple de cette ancienne coopération européenne, facilitée de nos jours par Alfred Nobel, dépasser le cadre de la recherche scientifique et s’étendre à beaucoup d’autres domaines.